POUSSIN S’EST ENDORMI – (A Rudy, mon petit frère)

La nuit a posé son voile sur la terre des hommes. Elle s’est étirée d’un bout à l’autre de la terre des hommes. Le firmament comme une nuit de fête a éclaté de milles feux. L’homme se sent si petit dans cet univers illuminé. Cet homme est fatigué. Il a usé toutes ses forces pour une humanité qui l’ignorera toujours. Son corps ne réagit plus qu’à la douleur de la fatigue. Une bonne détente, un bon bain, un bon repas et les batteries seront rechargées.

Le téléphone sonne. Un ami. Une voix dans ces ténèbres harassées. Une voix connue. Une invitation. Une sortie. Un match. Une probable rencontre. Intéressant. Une voix usée répond oui. Se changer les idées. Qui refuserait, surtout quand on a trente ans ?
Un bain. Une préparation méticuleuse. L’espoir d’une bonne soirée en compagnie de gens intéressants. Peut-être une âme égarée, solitaire à consoler. L’homme est parti après avoir posé un baiser apaisant sur le front inquiet d’une mère poule.

Ce soir, elle ne s’endormira qu’après son retour. C’est un secret de polichinelle entre eux. Il rentrera sur la pointe des pieds, la sachant à l’affût. Il fera un peu de bruit dans la salle de bains. Elle fermera enfin les yeux, rassurée : poussin est rentré au nid.
La nuit s’en est allée, discrètement, sur la pointe des pieds. Le jour a montré sa face réjouie. Le soleil s’est amusé de la fatigue des humains et de leur obligation à se lever. Doucement, les yeux se sont ouverts à la vie.

Discrètement, une mère s’est levée. Elle a préparé un café plein d’amour, mis le couvert. Elle a préparé la table du petit déjeuner. Dans quelques instants, son petit poussin arrivera, trainant les pieds, la mine renfrognée. Il éclatera de rire en la voyant et, tout en buvant son café, lui racontera sa nuit de folie. Elle lui fera des remontrances. Il affichera une mine mi contrite, mi amusée. Il acquiescera à tout, sans écouter un mot. La mine réjouie, il recommencera dès le weekend suivant.

Ce matin, le soleil assistera à une autre rencontre mère-fils. Le café aura un goût de plaisir, de déjà-vu merveilleux. Ce matin, poussin est en retard. Sa nuit a dû être plus harassante que les autres.

Ce matin, une mère, sur la pointe des pieds, s’en va réveiller son fils. Il doit aller travailler dans une heure. Il sera en retard. Ce matin, une mère a posé la main sur l’épaule dénudée de son fils. Elle est glacée. Ce matin, le café sera froid et solitaire. Ce matin poussin n’ira pas travailler. Il n’ira plus travailler. Ce matin, poussin s’est endormi.

Amélie Diack

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