Shouna – Rencontre avec Mamie Wata

D’immenses remous remuèrent la rivière, vers l’est. Une musique se fit entendre. Le son était étrangement mélodieux, envoûtant. Les humains, à cent lieues à la ronde, s’endormirent à l’endroit où ils se trouvaient.

Une lueur d’un bleu et rose irréels sortit des profondeurs de la rivière. Des poissons volants escortèrent une apparition. C’était une femme d’une beauté incroyable. Elle était couleur miel. Ses cheveux, éternellement longs étaient fait d‘anguilles et de nénuphars entrelacés. Son front était couvert d’écailles dorées. Ses cils et ses sourcils étaient de feuilles de palétuviers. Ses yeux, marron clair, envoûtants, lançaient des flammes d’un bleu – vert profond. Quand elle ouvrait la bouche, des poissons argentés en sortaient et plongeaient joyeusement dans l’eau.

Sa poitrine généreuse, découverte, ressemblait à celle du lamantin. Ses bras, étrangement longs et mobiles, ressemblaient à des ailes. Ils étaient couverts d’écailles argentées. Le bas de son corps se terminait par une longue queue qui battait vigoureusement l‘eau.

Elle ondula vers Shouna. Une musique accompagnait chacun de ses mouvements. Avec sensualité, elle se dressa devant lui. D’une voix mélodieuse, elle lui dit :

– Alors petit homme, que me veux – tu? Ne sais – tu pas qu’on ne me dérange pas vainement? Que me veux – tu?

Surpris, Shouna bafouilla, puis se reprit. Il se leva, s’avança vers elle et lui répondit, d’une voix qu’il essaya de raffermir, il lui répondit:

– Je suis Shouna, le roi de tous les animaux et de tous les esprits de la forêt.

– Tu m’en diras tant. Devrais – je trembler en ta présence ou me mettre à pleurer, petit homme?

Elle éclata d’un rire cristallin, repris par ses dames de compagnie. Elle le toisa, consciente de sa beauté et en jouant.

– Alors, que veux – tu, roitelet de mon cœur?

Shouna, déstabilisé, fit les cent pas pour se reprendre. Il fit mine de réfléchir et vint se planter devant elle.

– As – tu entendu parlé de la disparition mystérieuse des enfants du village de Subë? Y es – tu pour quelque chose? Que peux – tu me dire à ce sujet?

Elle s’allongea sur le dos et le regarda, de l’ironie plein les yeux, un sourire narquois au coin des lèvres.

– Petit bout d’homme, oui, j’ai bien entendu parler de ces disparitions. Tu sais bien que je n’ai que faire de ces minuscules humains. Que veux – tu que j’en fasse? Ils ne peuvent même pas se rendre utiles dans mon royaume.

– Ceux qui se noient, qu’en fais – tu? Certains sont bien jeunes, parfois.

– Ils s’amusent avec mes enfants. Tu les connais, tu les as tous vus. Ceux dont tu parles disparaissent dans le bois. Je ne suis pas concernée. Vois avec la reine de cet autre domaine qui n’est pas le mien.

Shouna la regarda, droit dans les yeux, sondant ce qu’il venait d’apprendre. Était – elle sérieuse? Lui mentait – elle? Il secoua la tête. Elle était la vérité faite femme..

Vexée, elle se retourna vivement, battant furieusement la surface de l’eau de sa queue. Des flammes jaunes sortaient de ses yeux. Sa voix n’était plus mélodieuse. Elle grondait comme le tonnerre.

– Roitelet de rien du tout, sache que mamie Wata est une reine exigeante, respectée et crainte de tous les humains. Elle ne ment jamais. Ne t’aventure plus à douter de moi, sinon je te transformerai en têtard. Ne me dérange plus.

– Excuse – moi, noble reine. Les puissants comme Nous oublient souvent la puissance et la droiture de leurs égaux, devant la bassesse de leur peuple. Pardonne – moi si je t’ai offensée en quoi que ce soit. Telle n’était pas mon intention.

Radoucie, elle lui sourit.

– Tu parles comme un prince, jeune homme J’interrogerai mes sujets et je te tiendrai au courant, Shouna.

Elle s’en alla dans un tourbillon qui ébranla à peine le trône du roi des animaux et des esprits de la forêt. La musique mélodieuse disparut avec elle dans les profondeurs de l’eau. Plus une ride n’agitait la surface de la rivière. Les humains se réveillèrent, un instant groggy, avant de continuer ce qu’ils faisaient, totalement amnésiques de cette petite sieste improvisée. Le temps avait repris son cours.

Shouna se tourna vers son peuple, il leva les bras pour atténuer la rumeur qui avait fait écho à la dispute des puissants. Le silence se fit.

– Ma sœur est susceptible, dit – il en riant ainsi que son peuple. Je veux que toute information circulant à ce sujet me parvienne le plus rapidement possible. Mes pairs me jugeront sur la réussite ou l’échec de cette première mission. Ne les décevons pas.

Sur un geste de sa part, les animaux s’éparpillèrent, murmurant, se répartissant les tâches, imbus de leur importance.

Ses conseillers attendaient patiemment ses directives. Il appela quelques – uns d’entre eux et les invita au pied de sa case. Ils partagèrent son repas tout en débattant du problème du jour.

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