JOAL -Léopold Sédar Senghor

Joal!

Je me rappelle.

Je me rappelle les signares à l’ombre verte des vérandas
Les signares aux yeux surréels comme un clair de lune sur la grève.

Je me rappelle les fastes du
Couchant

Koumba
N’Dofêne’ voulait faire tailler son manteau royal.

Je me rappelle les festins funèbres fumant du sang des

troupeaux égorgés
Du bruit des querelles, des rhapsodies des griots.

Je me rappelle les voix païennes rythmant le
Tantum
Ergo

Et les processions et les palmes et les arcs de triomphe.
Je me rappelle la danse des filles nubiles
Les chœurs de lutte — oh ! la danse finale des jeunes hommes, buste

Penché élancé, et le pur cri d’amour des femmes —
Kor
Siga !

Je me rappelle, je me rappelle…
Ma tête rythmant

Quelle marche lasse le long des jours d’Europe où parfois
Apparaît un jazz orphelin qui sanglote sanglote sanglote.

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