Le conte, pour tout enfant, est un moment précieux, au Sénégal comme ailleurs. La séance de conte est une véritable mise en scène. Que serait un conte sans chants, sans danses, sans chœur? Eh oui, une vraie pièce de théâtre!
Chez nous, c’était une cérémonie. Un conte en pleine journée? C’est dangereux, disaient les adultes, vous allez être transformés en panier en rotin. A moins que … vous mettiez un brin de balai dans les cheveux. Quelque part, j’ai toujours pensé que la seule raison pour laquelle ils nous donnaient cette explication, c’est que ça les dérangeait ou qu’ils n’avaient tout simplement pas envie. Peut-être aussi, le manque de temps? Nous nous asseyions tous en groupe avec des brindilles dans les cheveux, savourant déjà le bonheur à venir.
Entre enfants, les rôles étaient distribués selon les caractères. En tant que râleuse solitaire, j’étais le lion. L’aînée qui s’estimait plus intelligente que nous tous s’accaparait le rôle du lièvre. Une fois les personnages attribués, le conte commençait. Chacun de nous avait un rôle à jouer, une voix, une attitude en fonction de l’animal qu’il représentait. Les plus jeunes reprenaient les chants en chœur et esquissaient des pas de danse. C’est ce qui déterminait à leurs yeux, la réussite ou l’échec de cette aventure commune.
Nos contes étaient racontés en ouolof, en créole, rarement en français voire pas du tout. Je pense d’ailleurs que nous avions inventés le conte sans fin car le héros était ressuscité chaque jour. Tel le phœnix, notre Zadig qui portait un nom bien particulier, renaissait de ses cendres pour mourir en apothéose, encore et encore.
Je pense que chaque famille avait son rituel. Tel était le nôtre et c’était un pur bonheur.