Ecriture – Amélie DIACK

Pourquoi écris-tu? Très bonne question. Cependant, il m’est difficile d’y répondre. Non pas que je ne le sache pas. Mais, plutôt parce qu’il est difficile de l’expliquer. Comment dire quelque chose qui fait partie de son essence? Comment expliquer ce qui semble imprimé dans ses gênes? Comment présenter une évidence? Pourquoi écris-tu? « je n’en sais fichtrement rien« , n’est pas la réponse adéquate. Je le sais. Je le sens. Mais, je n’ai pas de mots suffisamment explicites pour cela.

J’ai déjà parlé de ma dyslexie, découverte bien tard. A l’âge adulte. J’ai déjà parlé de cette hargne à écrire une histoire à six ans. J’ai raconté ma séance d’écriture de la musique, à la petite maternelle. Mais, je n’ai dit pas dit un seul mot sur mes séances d’apprentissage de l’écriture aussi bien à la maison qu’à l’école. Ecrire, une bien grande aventure quand on a un cerveau en goguette. Un cerveau artiste qui raconte sa propre histoire. Qui dessine le monde des mots, comme il en a envie, avec un pinceau magique. Un cerveau qui met des lettres féériques à la place de lettres simples.

Eh oui, mon cerveau a une baguette magique. Pour une petite fille, c’est génial. Malheureusement, pas pour les adultes. Après cris, recherche de la zen attitude, promesses, mes parents ont pensé jeter l’éponge. Je dis bien pensé. Heureusement pour moi, ils ne l’ont pas fait. A l’école des sœurs, ce ne fut pas la même chose. Je fus mise à l’écart des cours de musique. Je n’avais pas le droit d’y participer. De m’approcher du piano. Et encore moins d’écrire de la musique. C’est une professeure hurlante, furibarde et rouge comme une écrevisse qui me l’avait hurlé du haut de mes quatre ans, avant de me prendre violemment par un bras et de me jeter au coin, derrière une porte vitrée. C’est de là que, assise par terre, je regardais, les larmes aux yeux, mes camarades chanter et s’amuser. Mon crime? Avoir écrit quelques notes de manière folklorique. La faute à mon cerveau bohême. Pour moi, elles étaient belles, ces notes. Apparemment… non.

Alors, imaginez les cours d’écriture. Après avoir bien simulé, la main levée et en chanson, la lettre choisie, ben, je l’avais écrite autrement. Et pourtant, j’avais bien chantonné en écrivant: et un, deux, trois, quatre, sous différents tons, pour adapter mon écriture. La maîtresse avait jeté mon porte-plume. Une fois, elle avait même vidé mon encrier sur mon beau cahier en disant que cela ferait une crotte de plus. Que c’était des gribouillis. Même mon buvard avait changé de couleur sous le coup de la colère. Elles étaient belles, mes lettres. Je les admirais jusqu’au verdict fatal. Qu’est-ce qu’elle leur trouvait de mauvais? Elles étaient mignonnes. J’avais respecté les ronds et les déliés. Ma voisine, elle, avait écrit quelque chose de bizarre qui ne ressemblait même pas à ce que j’avais écrit. En plus, elle avait dépassé des lignes. La maîtresse n’avait rien dit. Je ne comprenais pas.

Un jour, sous la violence des coups donnés sur les doigts réunis en grappe, avec la règle en fer, j’ai refusé d’écrire une ligne de plus. De toute manière, cela ne servait à rien de continuer puisque ce n’était jamais bon. Têtue… Je l’étais, comme sept mille ânes réunis. Après une raclée paternelle, une raclée scolaire, une punition à la hauteur du crime de lèse-vocabulaire, je dus m’y remettre. Mais, le cœur n’y était pas. J’ai appris à écrire et à lire dans les cris et les larmes. J’ai appris à tracer des lettres et des mots dans le bon sens et entier. Pourquoi je vous raconte tout cela? Parce que cela peut être une des raisons pour laquelle j’ai toujours voulu écrire. Cependant, je ne suis toujours pas sûre qu’elle soit la bonne.

Antony, le 28 mars 2024

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